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L'actualité du 4 mars 2021

04/03/2021  - Blog

L'actualité du jour en 4 points

1. Spectre de l’inflation : et si on prenait plus de hauteur… que les taux d’intérêt ?

Nourries par un effet court terme notamment liée à la remontée des matières premières, les anticipations d’inflation monopolisent le débat ces dernières semaines. En apparence, la remontée des taux d’emprunt des états, effet indirect de ces anticipations, semble fulgurante : le taux d’emprunt des USA à 10 ans est ainsi passé de 0,92% à 1,48%. Le 10 ans allemand est quant à lui remonté à -0,29% (oui, l’Allemagne est toujours « payée » pour emprunter !) sur la même période. Si certains investisseurs s’inquiètent de cette remontée des taux auxquels les états s’endettent, de tels niveaux continuent d’offrir aux états des conditions de financement très favorables. Alors, la remontée des taux est-elle davantage un prétexte à des prises de bénéfice sur les actions qu’un réel motif d’inquiétude ? L’investisseur adepte de la prise de hauteur peut poser le problème de cette manière : quels valeurs sera-t-il souhaitable de détenir en portefeuille au cours des 5 prochaines années? Le niveau absolu des taux offre-il réellement une alternative durable et attractive aux marchés actions ?

Evidemment, le potentiel de remontée des taux à moyen/long terme est supérieur aux Etats-Unis qu’en Europe (compte tenu des différences de politiques monétaires entre la Fed et la BCE). Des conditions qui pourraient à terme provoquer une nouvelle phase de domination du dollar face à l’euro. A titre d’exemple, un retour à 1,05 de la parité EUR/USD (qui s’échange à 1,20 aujourd’hui) valoriserait les investissements réalisés par des européens sur les actifs américains de près de 13% ! Et si le danger pour l’investisseur européen n’était pas de rester sur les sociétés américaines (certes chèrement valorisés, mais créatrices de valeur à long terme) mais d’en sortir par crainte de leur sensibilité aux taux d’intérêt à court terme ?

Par ailleurs, et comme le rappelle depuis longtemps l’économiste Pierre Sabatier, les agents économiques (ménages, entreprises ou même Etats) ne peuvent encaisser une remontée des taux trop importante. La reprise économique s’en trouverait inéluctablement menacée. Précurseur depuis plus de 20 ans des mesures de soutien monétaire non conventionnelles, le Japon n’a jamais atteint ses cibles d’inflations depuis un quart de siècle. Premier à subir les effets du vieillissement de la population, le pays du Soleil Levant est toujours intéressant à analyser lorsque l’on construit ses prévisions sur la zone Euro. Justement que nous disent les banquiers centraux à ce sujet ?

2. Fed et BCE, une stratégie claire :

Malgré les quelques dissensions habituelles au sein de la BCE, la stratégie des banquiers centraux de part et d’autre de l’Atlantique semble limpide : contenir via leur communication la hausse des taux d’intérêt. Comme évoqué précédemment, ces institutions qui auront joué un rôle primordial dans la gestion économique de la crise sanitaire veulent éviter un durcissement prématuré des conditions de financements des états et entreprises. Le vice-président de la BCE Luis De Guindos se dit ainsi prêt à intensifier les achats de dettes souveraines à court terme si la situation le nécessitait… voire d’augmenter l’enveloppe totale de ces achats. Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE a également plaidé pour un maintien des conditions de financement favorables, arguant justement que le contexte économique « ne permettait pas un durcissement des conditions financières ». Limpide ! Bien sûr, les observateurs habitués au fonctionnement des institutions européennes auraient préféré que ces déclarations sortent de la bouche d’un représentant des pays « frugaux ». Si les représentants de l’Allemagne restent comme à l’accoutumée prudents sur le sujet de l’inflation, ont-ils intérêt à ce que les conditions de financement se durcissent chez leurs partenaires commerciaux, en particulier ceux de la zone Euro ? Rien n’est moins sûr….

3. Pendant ce temps, outre-Atlantique…

Nul n’aura échappé au fait que le mouvement sur les taux souverains est comme souvent parti des Etats Unis. Comme l’ont confirmé L. Brainard et M. Daly, la patience reste de mise. Nous évoquions justement la semaine passée la stratégie très prudente défendue par Jerome Powell devant le sénat. M. Daly a justement insisté sur le chemin qui reste à parcourir pour que l’inflation et la santé du marché de l’emploi ne justifie pas un durcissement des conditions financières. Le dernier rapport ADP fait justement état de seulement 117.000 créations dans le secteur privé en février, soit une modeste décélération par rapport à janvier (194.000). Une décélération d’autant plus surprenante qu’elle intervient après une vague d’assouplissement des restrictions sanitaires locales. A l’évidence, les créations d’emplois marquent le pas dans les très grandes entreprises. Rappelons que le retour à l’emploi fait désormais partie intégrante de la vision stratégique de la Fed. Parmi les mesures envisagées pour soutenir le retour aux niveaux de chômage d’avant Covid-19, un vaste plan d’investissement dans les infrastructures voulu par Joe Biden pourrait être prochainement étudié par le sénat américain, une fois que celui-ci aura fini d’étudier le plan tant attendu de 1.900 milliards de dollars. Des conditions de financement les plus favorables possibles seraient là aussi souhaitables.

4. Les graphiques de la semaine

Mise en perspective de la remontée récente des taux souverains : exemples du 10 ans japonais, du 10 ans allemand, et du 10 ans français depuis 25 ans.

Deux informations principales sont à retirer de l’analyse de ces graphiques :

• La première repose sur l’antériorité des mesures non conventionnelles mises en place par la banque centrale du Japon, et l’impact sur les taux d’emprunts à 10 ans du pays. Les baisses de taux, dévaluations, et autres mesures ont débuté dès la fin des années 1990, soit près de 15 ans avant l’Europe. Les 10 ans japonais est ainsi passé sous les 2% (droite horizontale bleue) pour la première fois dès 1997, et n’a jamais revu ces niveaux depuis 1998. Ce seuil a été franchi fin 2011 en Allemagne, et début 2013 en France. Le seuil des 1% (droite horizontale jaune) a été franchi pour la première fois en 1998 au Japon, mais seulement en 2014 pour l’Allemagne et la France ! L’histoire des mesures de soutien monétaire au Japon permet d’avoir des informations sur ce qui pourrait advenir des taux d’emprunt sur le vieux continent…

• La seconde information concerne la remontée récente des taux depuis quelques semaines : comme évoqué dans le point 1, la fulgurance de la remontée semble moins impressionnante une fois remise en perspective sur le long terme !

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Crédit image : Dessin d'Emmanuel Chaunu, dessinateur de presse et caricaturiste français
Sources : WiseAM, Les Echos, Goldwasser Exchange, La Tribune, Allnews, BFM Bourse, Capital, La Croix
Achevé de rédiger le 04/03/2021



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